Traces

Photo de groupe, jus de velours, noirs profonds, blanc étincelants, c’est parfait. Costumes impeccables, attitudes rigides, c’est beau comme une promotion de « Normale Sup » passant à la postérité. C’est une photo.

Sauf… ?

Sauf qu’il y a une tache, là, en haut à gauche. Oui, là, le nez rouge, les cheveux verts, le gilet jaune ! Désordonné, dérangeant ce clown au milieu de notables.

Et pourtant… ce charme impertinent, tendre et rieur à la fois, la fenêtre qu’on ouvre sur une tornade qui balaie tout dans la pièce… C’est chaque fois la même chose, je suis prévenu et je me laisse surprendre. Attention ! Poésie, silence. Boum ! Un énorme pétard explose transformant la mare aux canards en océan déchaîné. Au milieu des éclats de rire et des lazzis un silence… quelques notes d’un violon lointain, un rien de mélancolie.

Becka est partout et surtout là où on ne s’attend pas à le trouver. Ooolé caché derrière un improbable torero il plante des picadilles sur un taureau plat comme une girouette.

Une corrida revisitée par Martin, c’est Becka qui s’échappe comme un diablotin de la chambre noire où on essayait de l’enfermer. Vers quel rendez-vous court-il ? Une Vénus « électrique » émoustillée par un courant éclectique oscille doucement attendant de se voir offrir les grandes fleurs que Becka a plantées pour elle dans un « Zippo » géant déniché par Martin.

Ça y est, j’ai compris, Martin a rencontré Becka ; incernable, inclassable, entre peinture et photographie, il s'ébroue, rebondît, surfe sur des bleus céréleums, fait pleuvoir des gouttes dorées sur des plages de rouille, il allume des incendies qui réchauffent le cœur et nous décapent le regard.

S’il te plaît Martin Becka dessines moi une photo.

Jean Perçet, Martin Becka : du photogramme au Kilo-maître